Nul besoin d’installations septiques coûteuses et complexes quand on arrête de chier dans l’eau potable!
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Toilette à compost

Saviez-vous que les excréments contiennent la majorité des éléments à traiter dans l’eau usée, soit 99 % des bactéries, 98 % de l’azote et 90 % du phosphore?

J’ai une confession à vous faire : je suis un weirdo qui fait mes besoins dans une toilette sèche et qui les compostent dans ma cour arrière. J’ai pris cette habitude il y a quelques années en réalisant le non-sens de l’utilisation des toilettes à eau. En effet, à chaque fois que nous allons aux toilettes, on mélange une ressource extrêmement précieuse (l’eau potable) et une ressource en devenir (nos déjections), créant un plutôt un énorme problème à régler. Non seulement en termes de pollution, mais aussi par la rupture du cycle naturel de la matière organique, tel qu’expliqué via ce schéma :

Cycle de la matière - toilette sèche
Crédit image : « La grande révolution de la micromaison »

En bref, plutôt que de retourner la matière au sol d’où les aliments proviennent, nous la diluons dans l’eau. Pour remplacer le retour à la terre de cette matière organique, l’agriculture moderne injecte des fertilisants industriels dommageables pour la santé bactérienne des sols. Alors que les terres arables se vident de leur potentiel à accueillir la vie, nos milieux aquatiques étouffent… C’est carrément le monde à l’envers!

 

Plus tôt cette année, j’ai écrit un article pour la revue La maison du 21e siècle détaillant les différents systèmes septiques disponibles sur le marché. L’exercice fut très pénible pour moi en raison de la complexité de la chose (j’ai dû écouter une formation de 6h pour que ça fasse minimalement du sens!), mais surtout à cause de l’absurdité de la chose : ces installations viennent régler un problème totalement artificiel! En effet, ces installations complexes et coûteuses ne seraient pas requises si on arrêtait simplement de polluer l’eau en chiant dedans.

 

En retirant les excréments et l’urine de l’eau usée, on ne se retrouve qu’avec de l’eau grise, soit l’eau usée provenant du bain, de la douche, des éviers, de la machine à laver pour le linge, etc. Pour moi et les autres écolos qui n’utilisent que des produits ménagers sains et biodégradables, la charge de pollution à traiter est très faible, voire négligeable. On parle effectivement que de quelques solides (particules de nourriture, cheveux et fibres de vêtements, etc.) et de matière organique diluée, une eau très simple à traiter. Sans les gros solides (excréments), nul besoin d’une fosse septique et pour l’eau grise, un tout petit champ d’épuration pour un traitement par les bactéries bénéfiques dans le sol est amplement suffisant (la phytoépuration est également une excellente alternative).

 

Je fais une parenthèse ici pour dire que ce genre d’installation septique simple et abordable pour traiter seulement l’eau grise, ça se fait ailleurs sans problème. Art Ludwig, dans son ouvrage “Create an Oasis with Greywater” rapporte effectivement qu’il y a « 8 millions de systèmes de traitement d’eau grise aux États-Unis, utilisés par 21 millions de personnes. Entre 1950 et 2010, […] il y a eu 0 cas documenté de maladie transmise par l’eau grise ».

 

Mais au Québec, tout est compliqué et réglementé. Le Règlement sur l’évacuation et le traitement des eaux usées des résidences isolées (Q2. R22) viens sévèrement restreindre l’implantation de la toilette au compost et du traitement de l’eau grise.

 

En 2015, vous vous en souvenez peut-être, la ville de Montréal a flushé 8 milliards de litres d’eaux usées dans le fleuve Saint-Laurent. Le flushgate a causé tellement de grogne populaire que le ministère de l’Environnement n’a eu d’autre que choix de réviser le Q2. R22 pour y inclure des solutions, comme la toilette au compost. Un an plus tard, moi et les autres weirdos étions très enthousiasmés par cette ouverture… Jusqu’à temps de voir les amendements finaux au règlement!

 

Effectivement, le ministère autorise maintenant l’utilisation de la toilette au compost via son règlement, mais elle doit respecter plusieurs critères, dont deux dénotant une absence totale de compréhension du milieu :

  • Les toilettes doivent être certifiées par une norme américaine (NSF/ANSI 41) que seulement deux fabricants remplissent. Certification que des petits fabricants ne peuvent se permettre, étant trop couteuse.
  • La matière doit être compostée à l’intérieur. Oui, oui, vous avez bien lu, illégal de composter dehors!

 

Dans le petit milieu des toilettes sèches, c’était la consternation. Lucie Mainguy, co-fondatrice de l’entreprise d’huiles essentielles Aliksir et de Terr-O-Nostra, qui avait à l’époque développé un concept de toilette sèche révolutionnaire – le « caca d’or » -, n’a pas mâché pas ses mots face à la situation : « l’effet concret est de limiter le développement de la toilette sèche comme solution alternative en annulant sa compétitivité commerciale ».

 

Pire encore, le Q.2. R22 n’affiche aucune ouverture pour un système alternatif de traitement des eaux usées : toute résidence doit être desservie par un système comprenant une fosse septique et un élément épurateur, pas d’exception. Bref, on doit payer en double si on veut, en bon écolo, composter nos déjections!

 

Comme Aliksir le dénonçait dans un mémoire déposé au ministère, une toilette à terreau, additionnée d’une installation septique, devient ainsi un choix très coûteux. « La réglementation devrait être assouplie, afin de ne plus considérer injustement une habitation qui n’est même pas alimentée en eau, au même titre qu’une résidence produisant des eaux usées.»

 

Pourtant, une personne consciencieuse qui arrête de polluer son eau n’a besoin que :

  • D’une toilette au compost;
  • D’un petit champ d’évacuation pour l’eau grise (ou un aménagement en phytoépuration)

Le système accepté s’y rapprochant le plus est l’installation à vidange périodique, mais on parle quand même d’une installation comportant deux fosses, une de rétention pour la toilette et une septique pour l’eau grise. Et attention, ce type d’installation n’est possible que pour un camp de chasse ou de pêche ou pour une maison existante n’étant pas alimentée en eau par une tuyauterie sous pression (voir article 73 du Q2. R22).

 

Pour tous les autres cas, c’est une installation standard (fosse septique + champ d’épuration modifié ~ 10 000 $) ou secondaire avancé (fosse septique + système secondaire + champ de polissage ~ 20 000 $) qui doit être installé.

installation à vidange périodique
L’installation à vidange périodique (crédit image : Guide technique sur le traitement des eaux usées des résidences isolées)

Cette rigidité absolue est d’un ridicule sans nom, je connais plusieurs personnes qui ont eu d’autres choix que d’installer un système septique lors de la construction de leur maison, mais qui ne l’utilisent tout simplement pas. Le système est là en terre, mais inutilisé, car ils préfèrent leur toilette au compost. Pire encore, ils doivent s’obstiner avec leur ville qui veut qu’ils vident la fosse septique à chaque 2 années, mais celle-ci est complètement vide!

 

Alors que l’accès à la propriété n’a jamais été aussi difficile, cette dépense de 20 000 $ est injustifiable dans ces paramètres.

Tutoriel pour la construction de votre toilette au compost DIY

 

« Chacun a la responsabilité morale de désobéir aux lois injustes »

– Martin Luther King

 

L’utilisation d’une toilette au compost se veut un geste de désobéissance civile devant une réglementation complètement insensée.

 

Si vous aimeriez vous aussi arrêter de chier dans l’eau potable, je termine cet article en vous fournissant un tutoriel pour construire votre propre toilette au compost. C’est très simple pour une personne bricoleuse et accessible même pour quelqu’un n’ayant pas d’habiletés manuelles (essayez-le et amusez-vous!). En plus, c’est hyper abordable, on parle d’une dépense d’à peu près 50 $ en matériel.

 

Vous allez avoir besoin des matériaux suivants :

  • Bois divers (contreplaqué, 2 x 4″, 1 x 3″, bref, ce que vous aurez sous la main);
  • Vis à bois;
  • Seau de 5 gallons (19 litres);
  • Siège de toilette;
  • 2 pentures.

 

Vous allez avoir besoin des outils suivants :

  • Perceuse
  • Mèche (> 3/4″)
  • Scie sauteuse
  • Papier à sabler
  • Crayon;
Comment construire sa propre toilette à compost

 

Étapes :

  1. Vous allez commencer par assembler la charpente de votre toilette en 2 x 4 ou 2 x 3, de la dimension voulue pour l’espace que vous avez. Si vous voulez faire un bloc portatif, 21,5 x 21,5 po (54.6 x 54,6 cm) est une bonne mesure à utiliser. La hauteur totale de la toilette doit être la même que le seau, soit 14 41⁄64 po (37,2 cm).
  2. Mettez votre seau à l’envers sur la surface supérieure de la toilette et tracez son contour avec le crayon, à la position désirée.
  3. Percez des trous à 4 aux quatre extrémités du cercle avec votre perceuse munie de la mèche à bois.
  4. À partir de ces trous, utilisez la scie sauteuse pour couper le trou en suivant la ligne tracée précédemment.
  5. Sablez la zone de coupe, personne ne veut d’écharde dans le derrière!
  6. Placez la surface sur la charpente et placez le seau à l’intérieur. Tous ces éléments devraient se retrouver à la même hauteur.
  7. Vissez le panneau au mur ou à l’extrémité du bloc dans le cas d’une toilette portative avec des pentures pour pouvoir ouvrir le caisson quand vient le temps de vider la toilette.
  8. Vissez le siège de toilette par-dessus le trou et le seau.

 

Et voilà le tour joué! Ce n’est pas plus compliqué que ça!

Au niveau de l’utilisation de la toilette, c’est là aussi fort simple, on fait ses besoins dans le récipient, incluant le papier de toilette et on met une couche de matière organique (branc de scie, papier journal déchiqueté, peat moss, etc.) par-dessus. Cette couche de matière est la clé du processus, car elle vient absorber les liquides et empêche les odeurs. On recommence en étages, jusqu’à temps qu’elle soit pleine et on va vider dans le composteur de jardin. Au niveau du bac à compost, c’est le même concept, on vient mettre une couche de matière organique sèche par-dessus la matière humide à chaque fois (concept de lasagne). La matière prend approximativement 1 an à se composter, il est donc une bonne idée d’avoir 2 bacs de compostage et d’alterner chaque année.

 

À noter qu’il existe des modèles de toilette à compost que vous pouvez acheter aussi, voici les deux modèles certifiés NSF/ANSI-41 : Clivus-Multrum et Sun-Mar. Il existe d’autres produits réputés, tels BioLet, Nature’s Head et Separett, mais ils ne sont en principe pas autorisés au Québec car non certifiés.

Impact de l’utilisation d’une toilette au compost pendant une année pour une personne

 

– Production de 40 kg (88 lbs) de compost;

– Évite la pollution de 25 000 litres d’eau.

Personnellement, je ne recommande pas l’utilisation de ces systèmes, ils sont carrément inutiles! J’en ai acheté un, 2 de mes amis en ont acheté un (3 modèles différents) et l’expérience fut la même dans le 3 cas :

  • Ils coûtent hyper cher (le coût de la norme est refilée au consommateur);
  • Ils ne compostent pas bien la matière, si bien qu’il faut finir le compostage dehors comme dans le cas de la toilette avec seau;
  • Ils sentent mauvais, peu importe l’utilisation (problème de conception).

 

Pour en apprendre plus sur le sujet, je vous invite à consulter mon livre « La grande révolution  de la micromaison » et « Le petit livre du fumain ».

 

Bref, je suis conscient que le sujet est controversé : à chaque fois que j’en parle, ça vient déranger le statuquo de certains, ce pourquoi je m’identifie comme un weirdo à travers cet article. Mais à tous ceux qui voudront bien l’entendre : trouvez-vous ça normal de chier dans la ressource la plus précieuse qui soit? Celle-là même qui compose 60 % de notre corps? Et s’il existait une meilleure solution, une qui limiterait la pollution de l’eau, nous ferait économiser beaucoup d’argent pour son traitement et qui en bonus, donne un amendement pour les arbres fruitiers? Bienvenue dans le merveilleux monde de la toilette au compost… Gageons que votre prochaine visite aux toilettes sera remplie de réflexions!

 

Cet article a été écrit pour le magazine La maison du 21e siècle. La lecture étant réservée pour les abonnés, l’éditeur en chef m’a permis de le publier sur mon site pour que mes abonnés puissent également le lire. Merci donc à André Fauteux et son magazine, qui a récemment fêté ses 30 ans, tout un exploit!

 

Si la construction écologique vous intéresse, je vous invite à vous abonner, le contenu est toujours pertinent et hautement intéressant : https://maisonsaine.ca/boutique

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Diard
Diard
2 mois il y a

Je suis en accord avec votre article…le seul bémol c’est la suggestion de mettre du peat moss…il me semble que le peat Moss est à bannir de nos habitudes de jardinage pour des raisons écologiques et la survie de milieux à protéger…

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